un petit bout de moi...

la vie prend un malin plaisir à confondre les genres… confondre virtualité et réalité… rêve et réel… passé et présent… souvenir et actualité… c’est aller-retour que l’on se retrouve plus ou moins volontairement contraint à faire et bien souvent l’occasion de prise de conscience… la semaine se termine… elle a été heureuse pour certains et malheureuse pour d’autres… pour aucun j’espère qu’elle aura laissé un goût d’indifférence… je veux en vous confiant un bout de ma vie, un bout de moi, vous témoigner combien la vie demeure belle à celui qui fait le choix de la vivre…

le week-end dernier je vous avais parlé de mes grand-mères… celle que j’ai reçu avec mon frère à Paris et celle que j’ai éperdument aimé… c’est de cette dernière dont je vais vous parler aujourd’hui…

d'avance, je m'excuse pour la longueur de ce message... mais personne n'est obligé de tout lire...

comme je vous l’ai laissé entendre, nous étions très complices… fusionnels… elle était né le 7 janvier… moi le 5 du même mois… deux capricornes comme elles s’amusait à le rappeler… j’étais donc son capricorne et sans fausse pudeur, je peux me targuer d’avoir aussi été bien plus que ça… un petit-fils, un filleul, un complice, un ami, un allier… notre relation n’était qu’amour et c’est d’ailleurs à elle que je dois cet amour, cette sensibilité ou une grande partie des valeurs qui sont aujourd’hui miennes…

nous étions donc très complices… j’ai vécu auprès d’elle durant près de 24 ans… au pays-basque… elle vivait seule depuis plus de 20 ans après s’être séparée de son mari… elle n’avait pour seule famille son fils (mon père) et la famille qu’il avait à son tour « créé »… mon père n’était pas le plus aimant avec elle et c’est très probablement pour ça que je me suis aussi tant attaché à elle…

je passais beaucoup de temps avec elle… petit c’était les vacances d’été que je passais chez elle en faisant le choix de quitter la maison confortable avec piscine de mes parents à la campagne pour un petit appartement en ville… j’y étais le plus heureux des gosses parce que j’étais avec elle… ce n’était pas une relation intéressée… ses moyens financiers étaient modestes mais son amour était sans bornes… je me suis enrichi de ce dernier…

très jeune, je jouais au garde malade avec elle puisque ma gentille mamie avait la santé précaire… je prenais mon rôle très à cœur… très vite j’apprenais que dans la vie, une des sources d’épanouissement était d’exister dans les yeux des autres… que l’on avait finalement besoin que les autres aient besoin de nous…

à 24 ans, je quittais le pays-basque pour Toulouse pour poursuivre mes études… je rentrais « chez moi » un week-end sur deux… je tançais mes parents pour qu’ils la fassent venir passer le week-end en notre compagnie… comme je le faisais souvent petit… je leur disais des choses genre « on invite mamie à déjeuner dimanche prochain ? si on lui disait maintenant ça l’occuperait tout le reste de la semaine et la rendrait heureuse… » une fois leur accord, j’avais droit de décrocher le téléphone pour faire part de l’invitation…

en 2000, je suis en maîtrise d’économie dans la ville rose… je passe les vacances de Noël sur paris où j’effectue un stage… je descends le temps du réveillon pour le passer en famille… le 25 au soir, dans la voiture de mon frère qui me reconduit à la gare de bayonne pour effectuer le transfert de nuit jusqu’à la capitale où je devais être de retour à mon poste le lendemain matin, je me mets à pleurer… ce seront les dernières larmes que je verserais sur ma grand-mère… ce noël aura été pénible… lourd… je confie à mon frère que c’est comme si j’avais le sentiment que ce serait le dernier… les semaines qui allaient suivre viendraient malheureusement confirmer ma funeste intuition…

nous sommes à la mi-janvier, je suis de retour à Toulouse en plein partiels de premier semestre… ils touchent à leurs fins… demain samedi, ce sera le dernier… ce vendredi soir, ma mère m’appelle comme elle le fait souvent… sa voix à l’habitude si douce est ce soir là exceptionnellement grave… « mamie est tombée » ce n’est pas la première fois (et au fond de moi je me dis que ce n’est pas la dernière) que ma mamie s’amuse avec les ecchymoses… mais cette fois c’est plus grave… le col du fémur… ma mère qui travaillait dans le milieu hospitalier me donne avec force de détails l’importance d’une telle blessure…

c’est le week-end suivant que ma petite vie d’étudiant basculera… je descendais voir ma grand-mère… je réalisais alors combien la situation était importante… à demi-mots, les médecins parlaient d’alzheimer pour couronner un bilan déjà peu reluisant…

durant deux mois, je suis rentré tous les week-ends à son chevet… je quittais la fac le vendredi soir pour prendre le train pour bayonne… je dormais les vendredi et samedi soir à l’hôpital… dormais ? enfin, disons que j’y passais mes nuits… le regard plongé au dessus de son lit à la regarder dormir… à lui murmurer des mots d’amour… à lui fredonner parfois une chanson… puis le reste du temps perdu dans nos souvenirs en scrutant la lumière blafarde qui me venait du couloir… que c’est triste un hôpital la nuit perdu au milieu de toutes ces vies en sursit…

le dimanche après midi, venait le temps des « au revoir »… des consignes pour la semaine… des mots d’encouragement… des sourires et des baisers en se promettant implicitement que ce ne seraient pas les derniers…

puis arriva le week-end du 11 mars 2001… un week-end semblable aux précédents… au fil des semaines, la complicité avec le personnel soignant s’installe… le moindre signe d’affection est un bain de jouvence pour se donner encore plus de force… ce dimanche encore, sur les coups de 16h, je lui en laisse en me promettant d’être en forme le week-end d’après…

le lundi matin, je suis assis au fond de l’amphi pour un cours d’analyse économique… je ne me sens pas bien… pas à ma place… je gamberge… à la pause, je prends mes cliques et mes claques… un passage par le p’tit appartement que j’occupe dans la rue des quêteurs et je file vers matabiau prendre le premier train pour bayonne…

j’arrive dans cette ville qui m’a vu naître en fin d’après midi… le temps d’attraper un bus, il est 18h quand j’arrive dans la chambre de ma grand-mère… mes parents sont là… ils me regardent stupéfaits de me voir dans cette chambre que j’avais quitté 24h auparavant… « qu’est ce que tu fais ici ? » se hasarde à me lancer mon père… « j’avais envie » je me contente de lui répondre avant de reprendre MA place auprès de ma grand mère… j’ai conscience de lancer alors un nouveau défi à mon père avec qui ma relation n’aura été éternellement qu’un rapport de force… mais je suis là…

nous passons deux heures les trois au chevet de ma grand-mère qui dort… puis mes parents sont sur le point de rentrer chez eux… ils me demandent de les accompagner, qu’il est hors de question que je fasse une nouvelle nuit à l’hôpital, que j’ai besoin de sommeil, que je ferais ce que je voudrai à partir du lendemain mais que là il me fallait être raisonnable et dormir… je consens à leur céder ça, déjà ravi d’être revenu à son chevet…

je passe quelques minutes supplémentaires seul avec elle pendant que ma mère discute avec ses collègues… nous rentrons dîner… nous sommes tous épuisés… mes parents me disent tout de même qu’ils sont contents de me voir… nous ne traînons pas après le repas et c’est sans se faire prier que je plonge dans le sommeil du juste… le temps de quelques heures…

peu avant quatre heures du matin, le téléphone retenti dans la maison… ma mère vient frapper à ma porte et m’annonce que ma grand-mère est décédée… nous nous habillons et c’est dans le silence et le froid de cette nuit du 12 au 13 mars 2001 que nous allons l’embrasser sur son lit de mort…

les obsèques n’auront lieu que le vendredi qui suit pour permettre à mon frère qui était alors à new-york de rentrer… ces quatre journées, je les passe du matin au soir dans le petit salon du funérarium où le cercueil de ma grand mère est exposé pour le traditionnel bal des hypocrites… je vois défiler devant moi des personnes effondrées que je ne connais pas… où étaient-elles ces personnes ces derniers mois ?

je n’ai ni l’envie ni le temps de leur accorder plus de mon attention… je reste stoïquement aux côtés de ce corps sans vie… mes nuits, je les passe au bureau de ma chambre de gosse à écrire… à écrire le mot de la fin qu’elle a emporté avec elle…


« je ne voudrais jamais oublier ces minutes où l’on s’est dit adieu, j’ai beau me dire ce n’est qu’un au revoir, ma vie ne brillera plus jamais dans tes yeux »

merci à ceux qui auront pris la peine de me lire jusqu’au bout…

amicalement…

ucpus

wahou!!
il est beau ton post! merci pour ce morceau de ta vie que tu partages!

mais heu
c'est si bien raconté, on ressent toute ton émotion!!

bisous

Merci...

J'ai la chance que ma grand-mère soit encore de ce monde...

Et c'est marrant, ce que tu as écrit, je pourrais le dire. Cette relation si complice, si forte, tellement pleine de tendresse, de compréhension, d'amour si pur.


J'appréhende énormément ce jour où le téléphone sonnera chez moi, où la voix de mon père sera différente de d'habitude. D'autant plus que depuis que je vis à Lyon, je m'en veux parfois de ne plus la voir autant.

Je l'appelle très souvent, mais ça ne vaut pas la douceur de son regard, la fragilité de ses mains patinées par le temps, la sérénité de son sourire...

J'aimerais tant être là, près d'elle, le jour de son Grand Départ, elle qui m'a quasiment élevée et a passé tant de moments à mes côtés, à me voir grandir et à m'accompagner. Mais j'ai peur que la distance rende cela impossible...


C'est une belle tranche de vie, Ucpus.

Même si ta mamie n'est plus là, elle vit encore à travers toi, et c'est le plus important.

Ton histoire n'est pas triste, elle est belle par la façon dont tu en parles, par les liens qui vous unissent encore aujourd'hui.

...

Je ne peux rien dire suite à ce mot ...

Merci de t'être livré comme ça, c'est une très belle histoire, pleine d'amour, l'histoire d'une vie !

Merci ucpus !

...
Merci de cette belle histoire

merçi ucpus de nous avoir fait partagé cette partie unique de ta vie ,ta grand-mère peut-être fière de toi ,et elle l'est ou qu'elle soit Je t'embrasse

Merci...
:flower:

merci
dans ces lignes il y a beaucoup d'émotion
bisous

après le message le plus long que j'ai pu poster, voici le plus court :

merci

xxxxx

pas de quoi! n'hésite pas à recommencer!

merci pour cette belle histoire, c'est pas évident de se livrer ainsi, je n'ai pas connue ma grand mère paternelle et ma grand mère maternelle c'est une autre histoire en tout cas merci beaucoup

C'est très beau...j'en ai les larmes aux yeux...

J'y pense aussi très souvent au jour J...et je me dis que je n'ai pas envie de regretter de ne pas lui avoir dit ou demandé des choses...mais avec elle, la communication n'est pas évidente. Elle est adorablement gentille mais ne parle pas beaucoup. Pourtant, j'ai tellement de questions à lui poser...mais je ne sais pas comment...
En tout cas, merci pour ton témoignage!

Merci de nous avoir fait partager ce moment de vie. C'est sublime !
J'adore ta facon de raconter les choses...
En lisant ces quelques lignes, j'ai senti mon coeur tout bizarre et l'émotion monter en moi. J'en avais aussi les larmes aux yeux.
C'est beau et triste mais j'aime beaucoup.

Pour moi,le coup de fil tant redouté a retenti ce matin... mon grand-père paternel est mort ce matin,comme il le voulait,dans son sommeil,chez lui,dans son lit,aux côtés de ma grand-mère... quel vide ça va me faire,je n'arrive pas encore à totalement réaliser...c'est vendredi,quand j'irai dans ma famille près de toulouse que je réaliserai totalement ... maintenant je pense à ma grand-mère,à mon père et ses soeurs,je serai forte pour eux...et à mes cousins et cousines de 4 et 6 ans :ils n'ont pas eu la chance que j'ai eu moi de le connaitre et qu'il me voit grandir,m'épanouir...

Bon courage à toi Virginie, jpense bien fort à toi!!!
:flower:

Moi aussi je penses bien à toi et te fais des gros bisous

Je sais que les mots ne changeront rien, alors juste des gros bisous, et je te souhaite beaucoup de courage pour traverser cette épreuve...

Ben même si je ne te connais pas, je te fais des bisous... C'est toujours ça...

Merci pour les bisous et les pensées,c'est beaucoup je vous assure ...bisous à vous aussi ...merci!

Gros Bisous pour toi Virginie !

Courage Virginie, je te fais de gros bisous

Oui tout plein de courage pour toi...