" Du goudron et des plumes. C'est le sort gluant que subissent, dans les westerns, les imprudents qui trichent au poker. C'est un peu aussi le registre de l'album de ce nouveau pied-tendre de la chanson d'ici, qui a enrobé sa guitare de mélodies empyreumatiques (l'adjectif pour décrire l'odeur de l'asphalte brûlant) et de romances duveteuses. Ce Morlaisien intrépide n'hésite pas, en effet, à revendiquer des influences classiques (Vian, Brassens, Le Forestier, Renaud and co) tout en ajoutant son grain de sel à lui : une voix à la raucité voilée égrenant des histoires poético-loufoques dans lesquelles il est question, en vrac, d'un mafioso repenti, d'un fossoyeur narcoleptique, d'une marchande de camelote qui s'appelle Charlotte, d'un cirque neurasthénique ou d'un sculpteur de graffitis poour tables de bistrots.
C'est plein de lettres, d'amour, de menace, de suicide même, de chiens transis et d'amants mouillés, de nuits blanches et d'idées noires. Le tout mis en scène et en sons, pleins et organiques, par le prolifique Jean-Louis Pierot (Les Valentins, Miossec). On reprochera juste à ce Renan nouveau-né, qui préfère "aux voisins les voisines", quelques rimes absconces et une tendance à la verve tarabiscotée qui peut parfois interloquer l'auditeur. Mais l'on parie bien volontiers que ce gai Luce se taillera une place aux côtés d'artistes comme Thomas Fersen ou Alexis HK. A la force de la plume, avec ou sans goudron"
Philippe BARBOT
Notation : 3 clés Télérama, ce qui signifie "bien" (échelle : bravo, bien, pas mal, bof, hélas)
L'article est disponible dans le Télérama n° 2957 du 13 septembre 2006, p.65